La Société Française de Prospective a organisé le 3ème Printemps de la prospective sur le thème : La simplexité. Levier de changement pour un monde en transition (http://assosfp.wix.com/p2-2015-simplexite). Cet intitulé ésotérique cache une question simple : Peut-on prendre en compte la complexité de notre monde d’une façon qui ne soit ni simpliste, ni compliquée ?
Je m’attache ici à rendre compte des éléments de cet atelier qui m’ont le plus marqué pour réfléchir à la pratique de la prospective dans une intention de renouveau, de remise en question.
La simplexité, de quoi s’agit ’il ?
Un exemple de simplexité est le « Bureau » des ordinateurs. Alors que les fonctionnalités des ordinateurs se sont complexifiées, l’interface d’utilisation s’est simplifiée depuis le DOS (pour ceux qui s’en souviennent) pour devenir quasiment intuitive, sans pour autant être simpliste. Cet exemple symbolise la simplexité : utiliser des principes généraux mais opérationnels et évolutifs pour agir rapidement et efficacement dans un monde complexe. Une autre façon d’agir « simplexe » par exemple est d’aborder un problème complexe en faisant un détour, comme le fait la prospective en utilisant le futur pour traiter de la question complexe présente de l’agriculture et de l’alimentation.
La simplexité doit rendre compte de la complexité en préservant la diversité qui la caractérise. En ce sens, la construction de scénarios est une démarche simplexe qui permet à la fois d’explorer le champ des futurs, de le réduire, sans pour autant le simplifier car on en observe la diversité.
La simplexité demande d’accepter l’incertitude, de respecter les connections observées, de chercher des solutions innovantes pour des futurs souhaitables, tout en acceptant l’inattendu, tout en ayant le souci de l’efficacité (impact), et le goût de l’action individuelle et collective.
J’y vois une convergence forte avec la prospective qui accepte l’incertitude en refusant la prédiction, qui relève les interactions entre différentes dimensions, qui révèle l’inattendu dans les signaux faibles, qui anticipe pour mieux agir.
Dans cette posture qui met l’Humain au centre, l’outil est indissociable. L’outil simplexe n’est pas seulement un objet, c’est aussi son utilisation et celui qui l’utilise. Outil, usage et utilisateur constituent le « design » simplexe, qu’il faut comprendre comme dessin (conception) et comme dessein (intention). Pour reprendre un intervenant : la complexité est dans la tête du concepteur et la simplexité dans celle de l’utilisateur.
L’outil simplexe met l’utilisateur au centre. La prospective, à la fois (in)discipline intellectuelle et outil opérationnel simplexe, doit permettre à son utilisateur de se doter de bagages (outils) avec lesquels partir en voyage (posture). Mettre l’utilisateur au centre c’est le comprendre, permettre qu’il s’approprie une démarche pour trouver des solutions, autrement dit pour connaître/identifier des processus. Ce qui compte c’est l’intention et la recherche de l’autonomie ; c’est générer des processus communs qui seront enrichis et régénérés par la pratique, par l’utilisation. La co-élaboration remplace la participation. Pour reprendre un des intervenants : la revendication de la simplexité, c’est la revendication de la capacité d’agir du citoyen.
Alors, quid de la prospective et de la simplexité?
De quelle façon la simplexité peut-elle se matérialiser dans la prospective? Cette question ouvre un vaste chantier, pour lequel au moins une piste peut-être avancée : mettre l’utilisateur au centre.
Une prospective simplexe mettra encore plus l’utilisateur au centre. Le citoyen de demain sera prospectiviste ou ne sera plus. La prospective ne sera plus seulement participative, elle sera co-élaborative dans son dessin et dans son dessein. Le voyage sera plus important que le bagage.
C’est dans cette optique que s’inscrit l’initiative de renforcement des capacités des organisations paysannes dans le domaine de la prospective (http://www.egfar.org/our-work/foresight-better-futures/engaging-society) soutenue par le Forum Mondial sur la recherche agricole (GFAR).
Pour en savoir plus :
Berthoz, A. (2009) La simplexité, Odile Jacob
Bouché, G. (2015) Changeons de civilisation, Kawa.
Giorgini P. (2014) La transition fulgurante. Vers un bouleversement systémique du monde? Bayard.
Kluger, J. (2007) Simplexity: why simple things become complex (and how complex things can be made simple), Hachette.
Morin, E. (2014) Introduction à la pensée complexe, Points.
by Robin Bourgeois, Senior Foresight Advisor, GFAR Secretariat
For more information: robin.bourgeois@fao.org