Les localités de Ntoum, Gamboma et Nkolmefou ont plusieurs points communs. Lesquels? Toutes trois sont situées en Afrique centrale respectivement au Gabon, en République du Congo et au Cameroun. Elles vont se trouver au cœur d’une initiative de prospective portant sur l’avenir de leurs habitants. A Ntoum, à Nkolmefou et à Gamboma, des facilitateurs issus des CNOP Gabon, CNOP Cameroun et CNOP Congo en seront les chevilles ouvrières.
Avec l’appui de la Plateforme Régionale des Organisations Paysannes d’Afrique centrale (PROPAC) et du Forum Mondial sur la Recherche Agricole (GFAR), Paulette et Michel du Gabon, Joséphine et Dédé du Cameroun, Hortense et Francis du Congo se sont retrouvés du 18 au 25 avril au Centre de Formation Agropastorale de Mfou au Cameroun pour un atelier sur la mise en œuvre d’une prospective locale. Elizabeth, Cécile, Candide, Célestin, Raymond et Michel de la PROPAC les ont accompagnés pour acquérir et mettre en pratique les savoirs et savoir-faire nécessaires pour développer une réflexion prospective locale engageant les acteurs locaux dans la co-élaboration de scénarios.
Identifier les forces de changement
Tout au long de leur voyage à travers des futurs plausibles , ils se sont immergés dans des exercices de simulation, appliquant les enseignements à un cas-type basé sur les caractéristiques de leurs futurs terrains de travail. Ils ont défini 38 forces de changement interagissant dans la transformation d’une communauté locale et de son territoire. Parmi elles, 28 sont des forces que les acteurs locaux peuvent influencer. Après avoir analysé en profondeur leurs influences mutuelles, ils ont identifiés six forces motrices:
- L’état de l’environnement politique local par rapport aux aspirations des populations (légal, réglementaire, juridique, orientations).
- La situation des traditions, des coutumes et des religions par rapport au développement local;
- L’état des relations entre les parties prenantes utilisant les ressources naturelles productives locales
- L’état des infrastructures locales (route et voies de communication, électricité, équipements L’état des relations entre les parties prenantes utilisant les ressources naturelles productives locales;
- L’accessibilité des ressources financières locales pour des investissements productifs par les acteurs locaux,
- L’état des technologies d’information et de communication au niveau local.
Analyse des influences mutuelles
Explorer des futurs plausibles
La prospective n’est pas de la prédiction, ni de la projection. La prospective repose sur l’anticipation et l’exploration. Hortense, Joséphine, Paulette, Dédé, Francis, Michel et leurs compagnons de formation ont travaillé ensemble sur la construction de scénarios contrastés en combinant des hypothèses plausibles d’évolution de chacune des six forces motrices. Ces scénarios ont pour horizon 2025, horizon de l’Emergence, un objectif politique majeur commun aux trois pays. Neuf synopsis de scénarios sont ressortis de ce travail couvrant une large gamme de futurs plausibles et contrastés.
Futurs états des forces motrices
De l’apprentissage à l’action
Après cinq jours de travail intense, ils étaient satisfaits des résultats mais encore préoccupés par la façon de passer des scenarios à des actions concrètes et la mise en œuvre sur le terrain. La fin de la formation leur a permis de voir très pratiquement comment une communication appropriée et un choix judicieux des participants pouvaient aider à engager une audience au-delà de ceux qui participeront à la construction des scénarios.
Avant leur retour, ils ont préparé un cadre commun de travail en accord avec la PROPAC ainsi que des programmes détaillés de mise en œuvre qui seront discutés au plus haut niveau au sein des trois CNOP. Munis de ces plans et avec l’appui de la PROPAC et du GFAR, toutes et tous sont rentrées avec la ferme volonté d’engager ce processus, de co-élaborer des scénarios avec les acteurs locaux et de construire leur futur. Préparation du plan de travail
Changer les visions du monde
« Transfigurés » est le terme qu’Elizabeth, Présidente de la PROPAC, a employé pour qualifier l’effet
de la prospective sur les participants. Un autre participant a noté: « L’atelier de l’initiative locale m’a permis d’avoir une vision encore plus large de ce que je fais d’habitude ». Lors de l’évaluation finale et anonyme de l’atelier, les participants veulent emporter ces messages: « La prospective peut être une stratégie fiable pour une initiative de développement local durable », « L’action prospective permet de bien définir les options futures possibles pour le développement d’une collectivité locale » « Demain ; ce qui est souhaité aujourd’hui ».
Ces messages affirment que la prospective est bien plus qu’un outil, bien plus qu’une méthode. C’est une façon de penser. C’est un processus qui a la capacité de modifier les états d’esprit, qui permet
d’explorer ce qui pourrait nous arriver, ainsi qu’à nos modes d’existence et à notre environnement. Avec la prospective nous envisageons plus de possibilités pour le présent, parce que nous savons que même si le futur ne peut être prédit, nous pouvons non seulement nous préparer à ce qui pourrait se passer, mais aussi l’influencer et le changer, pour le meilleur. Le mot final appartient à Elizabeth, parlant de la culture de la prospective: « Partager une culture doit être un réflexe. C’est un réflexe que nous allons vendre partout où nous allons aller ».
Pour en savoir plus: L’initiative de prospective locale.
Contact: robin.bourgeois@fao.org
Par Robin Bourgeois, Conseiller principal en prospective, Secrétariat du GFAR